Biodiversité

Changements d’utilisation des sols

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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Les changements d’utilisation des sols à l’échelle planétaire sont principalement dus à l’intensification et à l’extension de surfaces agricoles qui conduisent au déboisement de vastes surfaces forestières. Au cours des cinquante dernières années, la transformation de milieux naturels et semi-naturels (forêts, prairies et autres écosystèmes) en terres agricoles, s’accroît en moyenne de 0,8 % par an (Rockström et al., 2009). Les changements d’utilisation des sols ont de lourdes conséquences sur l’environnement : perte de biodiversité et de services écosystémiques, érosion des sols, risque d’inondations et coulées d’eau boueuse, augmentation des émissions de gaz à effet de serre, déstockage de carbone, etc.

Enjeux globaux

L’une des limites planétaires est la surface disponible pour y déployer les activités humaines. L’utilisation des sols au profit de telle ou telle activité détermine un équilibre entre la production alimentaire, la régulation des débits d’eau douce, les habitats humains et la préservation de l’environnement. Dans le cadre des travaux sur les neuf limites planétaires (Rockström et al., 2009), la limite « changements d’utilisation des sols » est appréhendée en termes de pourcentage de la surface totale du territoire convertie en terres agricoles. Le seuil à ne pas dépasser est fixé à 15 % de terres agricoles. En 2009, environ 12 % de la surface terrestre mondiale est cultivée.

Lors de la révision du modèle conceptuel (Steffen et al., 2015), la limite est recentrée sur les processus de régulation du climat via les échanges d’énergie, d’eau et de dioxyde de carbone entre les sols et l’atmosphère. Le rôle des forêts est ainsi mis en avant, de même que la nécessité d’accroître leur superficie, notamment celle des forêts tropicales et boréales, pour continuer à bénéficier de leurs services. Deux nouveaux indicateurs sont alors définis dans le cadre de cette limite.

Le premier concerne, au niveau mondial, la surface boisée par rapport à la surface couverte de forêt avant intervention humaine, en veillant à ce qu’au moins 75 % des terres jadis forestières restent boisées. En 2015, seules 62 % des terres jadis forestières sont boisées, la limite est donc dépassée. Cela réduit la capacité de la Terre à servir de puits de carbone.

Le second indicateur concerne la superficie des trois principaux biomes de la forêt (forêts tropicales, tempérées et boréales) au regard de la couverture de la forêt potentielle. Parmi les biomes forestiers, les forêts tropicales converties en systèmes non forestiers, ont des effets significatifs sur le climat (évapotranspiration), tandis que les forêts boréales affectent l’albédo du sol (pouvoir réfléchissant d’une surface) et donc les échanges d’énergie régionaux. La limite, au niveau du biome pour ces deux types de forêts, a été fixée à 85 % de la couverture forestière potentielle. Elle a été établie à 50 % pour les forêts tempérées, car les changements y auraient une incidence plus faible.

Situation de la France

En France métropolitaine, les enjeux concernant les changements d’utilisation des sols sont différents. Contrairement à la situation mondiale, les terres agricoles y régressent, notamment sous l’effet de l’artificialisation des sols. Toutefois, compte tenu de son niveau de consommation élevé, associé à la croissance démographique, et de l’insuffisance de matières premières sur le territoire national, la France importe des quantités importantes de matières premières agricoles et forestières issues de la déforestation des forêts tropicales. Elle utilise ainsi indirectement des terres situées dans d’autres régions du monde, et contribue à exercer une forte pression sur la ressource foncière étrangère : consommation de ressources, disparition d’habitats naturels, perte de carbone, etc.

Les pertes en terres agricoles en France s’élèvent à 35 853 ha dont 35 780 ha en France métropolitaine entre 2012 et 2018

Selon la base de données CORINE Land Cover (CLC), en 2018, 59 % de la surface métropolitaine correspond à des terres agricoles (32 millions d’hectares – Mha), 34 % à des forêts et milieux semi-naturels (19 Mha) et 6 % correspond à des territoires artificialisés (3 Mha). Les zones humides et les zones en eau recouvrent environ 1 % du territoire. Ces proportions évoluent peu depuis 1990. Les pertes en terres agricoles dépendent de différents facteurs : l’accroissement des populations et des zones urbanisées, l’attractivité touristique, la déprise agricole. À noter que les terres agricoles regroupent les terres arables, les vignes, vergers, les oliveraies, et les prairies. Toutefois, les prairies temporaires et permanentes ne sont pas cartographiées dans CLC.

Entre 2012 et 2018, Mayotte est le seul département dont les terres agricoles sont en légère extension. Ceci s’explique par la compensation des pertes de terres agricoles dues à l’artificialisation (131 ha) par un empiètement sur la forêt (532 ha).

Perte des terres agricoles par département entre 2012 et 2018
Illustration 954
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Sur la même période, la plupart des changements d’utilisation des sols (71 %) concernent des terres agricoles, qui disparaissent le plus souvent au profit de territoires artificialisés. Parmi ces changements, 55 % affectent les terres arables et 7 % les cultures permanentes (vergers, vignes, oliveraies).

Au total, environ 41 130 ha agricoles ont ainsi changé d’utilisation entre 2012 et 2018. Si l’on considère les réallocations au sein des terres agricoles sur la même période, le changement principal constitue la conversion de prairies en terres arables (environ 6 700 ha). Ces changements d’utilisation des sols peuvent se traduire par une augmentation des émissions de gaz à effet de serre (déstockage de carbone) et par d’autres impacts environnementaux (perte de biodiversité, etc.).

Changements d’occupation des sols entre 2012 et 2018
Illustration 955
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Note : Les espaces naturels comprennent les milieux à végétation arbustive et/ou herbacée, les espaces ouverts sans ou avec peu de végétation, les zones humides et les surfaces en eau.

Si en 2017, les prairies s’étendent sur 12,5 Mha, soit 44 % de la surface agricole utilisée (SAU), leur surface totale a diminué de 5 Mha depuis les années 1960. En effet, la hausse des rendements et le développement de la production des fourrages annuels ont permis de réduire les surfaces traditionnellement consacrées à l’affouragement des animaux.

L’imperméabilisation des sols : 6,2 % du territoire national, soit environ deux tiers des sols artificialisés

L’enquête annuelle Teruti-Lucas, menée depuis 1992 par le ministère de l’Agriculture sur l’occupation et l’usage des sols, est fondée sur une nomenclature physique d’occupation des sols, tenant compte également de l’usage. Elle s’appuie sur un échantillon de plusieurs centaines de milliers de points de mesure (de l’ordre de 1 à 2 par km²). Du fait de méthodes différentes, les statistiques fournies par CORINE Land Cover (photographie complète de l’occupation du sol français réalisée tous les six ans par photo-interprétation d’images satellitaires) et Teruti-Lucas se distinguent. Par exemple, les sols artificialisés occupent en France, selon Teruti-Lucas, près de 5,2 Mha en 2015, soit 9,4 % du territoire métropolitain. Depuis 2006, ces sols artificialisés ont progressé de près de 600 000 ha, principalement au dépens des terres agricoles.

Ces espaces artificialisés recouvrent, pour deux tiers, des sols imperméabilisés, soit 6 % du territoire national. Il s’agit principalement de sols non bâtis (sols revêtus ou stabilisés, essentiellement des routes, parkings, ronds-points, voies ferrées, aires de stockage, etc.) et dans une moindre mesure de sols bâtis (essentiellement des constructions basses de moins de trois étages). Les espaces artificialisés recouvrent également, pour un tiers, des sols non imperméabilisés tels que les sols enherbés en périphérie du bâti (jardins publics ou privatifs), les terrains de sport et les sols nus (chemins de terre, chantiers, etc.).

Répartition de l’occupation physique des sols en 2015 (et évolution 2006–2015)
Illustration 1422
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Note : les chiffres entre parenthèses représentent l’évolution nette de 2006 à 2015.

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La forêt française gagne du terrain

En France métropolitaine, la forêt couvre 16,9 Mha en 2015. Elle s’accroît fortement depuis la deuxième moitié du XIXème siècle avec une progression de 0,64 % par an depuis 1980. Cette forte progression s’explique entre autres par la déprise agricole et par le boisement des terres agricoles. Les augmentations les plus fortes concernent la Bretagne, le Massif central et le pourtour méditerranéen.
Le taux de boisement en métropole atteint 31 %. Les massifs montagneux se situent largement au-dessus de cette moyenne nationale, tandis que le Nord et l’Ouest ont des taux de boisement plus faibles (entre 12 % et 20 %).

Évolution du taux de boisement en France métropolitaine
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L’empreinte écologique de la France liée aux importations de matières premières agricoles et forestières s’élève à 14,8 Mha en 2016

Les pressions exercées par l’économie française sur les ressources naturelles ne se limitent pas au seul territoire national. L’empreinte écologique permet de mesurer les impacts de la France sur la nature à l’échelle mondiale, grâce à l’évaluation des surfaces cultivées qui lui sont nécessaires pour sa production et sa consommation.

Selon le WWF, la France importe et consomme d’importantes quantités de matières premières agricoles et forestières issues de la déforestation des forêts tropicales : soja (4,8 millions de tonnes), huile de palme (970 kilotonnes), cacao (460 kilotonnes). L’Empreinte écologique de la France liée à ces importations représente 14,8 millions d’hectares, soit plus d’un quart de la superficie de la métropole et la moitié de la surface agricole française. Environ 5,1 Mha se trouvent dans des pays présentant un risque élevé de déforestation (Argentine, Brésil, Chine, Côte d’Ivoire, Indonésie, etc.).

Les forêts abritent une grande diversité d’espèces et contribuent à l’atténuation du changement climatique par le stockage d’importantes quantités de carbone. Leur rôle est central dans l’adaptation au changement climatique, la protection des sols et l’approvisionnement en eau douce. Ainsi, la déforestation influe fortement sur l’environnement : disparition d’habitats naturels, perte de biodiversité et de services écosystémiques, augmentation de l’intensité et de la fréquence des extrêmes météorologiques amplifiant les catastrophes climatiques, diminution de la ressource en eau, augmentation des émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique.

Lutter contre cette « déforestation importée » constitue donc un enjeu environnemental majeur. La France en a défini les modalités dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée 2018-2030. Cette dernière a pour objectif d’amener chaque acteur (pays producteurs, entreprises, investisseurs, consommateurs) à modifier ses comportements pour diminuer ses impacts sur la forêt. Elle vise à mettre fin à l’horizon 2030 à l’importation de produits forestiers ou agricoles non durables contribuant à la déforestation.

Cet article est un extrait du rapport de synthèse de l’édition 2019 du rapport sur l’environnement en France.

Ressources

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