Pollution de l’air intérieur
Mis à jour le | Commissariat général au développement durable
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En France, la population passe aujourd’hui en moyenne 80 % de son temps dans des espaces clos ou semi-clos. Longtemps négligées, les conséquences sanitaires de l’exposition des populations à l’amiante ont contribué à la prise en compte de la pollution de l’air intérieur en tant qu’enjeu majeur de santé publique à l’échelle nationale. En raison d’une pluralité de sources de polluants et de lieux concernés, les modes et les degrés d’exposition des populations sont très variables. Afin de prévenir les risques sanitaires, une surveillance de la qualité de l’air dans les principaux lieux de vie (logements, bureaux et écoles) se développe depuis près de quinze ans.
Une exposition chronique des populations
Les modes de vie contemporains conduisent la population à passer la majorité du temps dans des environnements clos, où de nombreux polluants peuvent être présents. Dans le monde professionnel, certains secteurs d’activités (chimie, métallurgie, etc.), entraînent également une exposition chronique des travailleurs à certains agents chimiques ou biologiques.
Ces polluants sont de nature variée : chimiques (composés organiques volatils – COV), biologiques (moisissures, bactéries) et physiques (particules, fibres). Ils peuvent avoir des répercussions sur la santé humaine, tant à court terme qu’à long terme.
Une première étude menée en 2014 par l’ANSES et l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) estime à environ 28 000 le nombre annuel de nouveaux cas de maladies et à plus de 20 000 le nombre annuel des décès prématurés liés à six polluants de l’air intérieur, hors locaux professionnels à pollution spécifique. Cette étude évalue le coût socio-économique de la pollution de l’air à environ 19 milliards d’euros par an. en se fondant sur les dépenses de santé, ainsi que sur le coût externe, ou coût social (mortalité et perte de bien-être) de la pollution de l’air intérieur.
Dans les logements, deux sujets de préoccupation : concentrations en perturbateurs endocriniens et influence de l’efficacité énergétique
Premier lieu de vie, le logement a fait l’objet pour la première fois, en 2003-2005, d’une campagne nationale de mesure de la qualité de l’air intérieur, conduite par l’OQAI.
Plus d’une centaine de paramètres chimiques, physiques et biologiques ont été mesurés dans un échantillon de 567 logements représentatifs du parc des résidences principales de France métropolitaine. Depuis, de nouvelles analyses ont contribué à améliorer les connaissances concernant les concentrations intérieures de près de 70 composés organiques semi-volatils (COSV). Ces composés sont émis par les matériaux plastiques (phtalates, bisphénol A), les ordinateurs et les textiles d’ameublement (retardateurs de flamme polybromés ou PBDE), les détergents (muscs de synthèse) ou les traitements insecticides (pyréthrinoïdes).
Certains, comme les polychlorobiphényles (PCB), ne sont aujourd’hui plus autorisés. Ils peuvent cependant continuer à être émis, en particulier par des joints d’étanchéité utilisés dans les années 1970 et toujours en place dans les bâtiments. Enfin, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) proviennent des processus de combustion. Du fait de leurs caractéristiques physico-chimiques, les COSV sont non seulement présents dans l’air, sous forme gazeuse et particulaire, mais également dans les poussières déposées au sol, sur le mobilier et les objets. La plupart d’entre eux sont des perturbateurs endocriniens avérés ou suspectés.
Les mesures réalisées montrent que ces composés sont omniprésents : si dans un logement sur deux, plus d’une trentaine de COSV sont détectés dans l’air, les phtalates et les HAP sont présents dans l’ensemble des logements. Les concentrations sont particulièrement élevées pour le DEHP et le DINP, deux phtalates. Elles sont plus faibles pour les PCB, les PBDE, les alkylphénols et les pesticides organochlorés et organophosphorés.
Par ailleurs, à l’heure où les enjeux du bâtiment s’inscrivent dans des priorités d’économie d’énergie, des questionnements se font jour quant à la qualité de l’air dans les bâtiments construits ou réhabilités selon les réglementations les plus récentes en matière de performance thermique.
L’amélioration des performances énergétiques des bâtiments impose en effet une étanchéité à l’air de l’enveloppe des bâtiments qui ne doit pas se faire au détriment de la qualité de l’air intérieur. En 2012, l’OQAI a engagé un programme dédié à l’étude de la qualité de l’air intérieur et du confort dans 72 logements, répartis dans 43 bâtiments neufs ou récemment rénovés. Comparativement au parc de logements français, les concentrations sont inférieures ou équivalentes dans les logements performants en énergie, pour toutes les substances recherchées à l’exception de l’hexaldéhyde (ou hexanal), de l’α-pinène et du limonène.
L’analyse statistique montre que la présence de bois dans les logements augmente la concentration en alpha-pinène (ossature bois, présence de mobilier en bois, isolant naturel à base de bois placé au niveau des combles) et en hexaldéhyde (ossature bois, revêtements de sol à base de bois brut ou reconstitué). S’agissant du limonène, l’introduction de mobilier neuf durant la semaine de mesure et le stockage des produits d’entretien dans le logement augmentent les concentrations intérieures.
Par ailleurs, un développement fongique actif est identifié dans 47 % des logements étudiés contre 37 % dans le parc français, soit près d’un logement sur deux contaminé par des moisissures. Ces dernières ne sont toutefois pas visibles dans la majorité des situations (1 % seulement des logements présentent des traces de moisissures visibles contre 15 % dans la campagne nationale « Logements »).
Les moisissures se développeraient selon le type d’isolation thermique, le nombre d’occupants du logement et les problèmes d’humidité, d’infiltrations et de dégâts des eaux.
Dans les écoles, une qualité de l’air dégradée principalement du fait du confinement des classes
Après le logement, l’école est le deuxième lieu de vie fréquenté par les enfants. Environ 6 millions d’élèves sont scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires en France. L’importance du mobilier, l’utilisation de produits pour les activités (colles, peintures, feutres, etc.) et le nettoyage fréquent des locaux peuvent avoir des répercussions sur la qualité de l’air intérieur, avec des spécificités différentes de celles des logements.
Par ailleurs, l’utilisation de craie, la proximité d’axes de circulation et la forte activité des enfants remettant en suspension les poussières déposées au sol sont des facteurs qui favorisent la pollution particulaire dans les salles de classe. Toutes ces spécificités ont motivé la conduite d’une campagne de mesure, menée par l’OQAI entre 2013 et 2017, sur un échantillon de 301 écoles maternelles et élémentaires, représentatif des écoles de France métropolitaine.
S’agissant des concentrations en COV et aldéhydes, la très grande majorité des établissements scolaires respectent les valeurs guides réglementaires nationales pour le formaldéhyde et le benzène. Les valeurs limites, nécessitant des investigations complémentaires et l’information du préfet de département, ne sont jamais dépassées. En comparaison des logements, les concentrations en COV et aldéhydes dans les écoles sont significativement inférieures, à l’exception de celles du formaldéhyde et de l’hexaldéhyde, similaires à celles observées dans les logements.
Parmi les 47 COSV recherchés dans l’air, seuls deux ne sont jamais détectés. Deux phtalates (DiBP et DEP), deux muscs (tonalide et galaxolide), un pesticide (lindane) et quatre HAP (phénanthrène, fluoranthène, fluorène et acénaphtène) sont présents dans 100 % des écoles. Les concentrations sont très variables selon les composés, les plus élevées étant mesurées pour les phtalates.
La médiane des concentrations intérieures en particules PM2,5 est égale à 18 µg/m3. Ces concentrations sont supérieures à la valeur guide proposée par l’OMS pour une exposition de long terme (10 µg/m3) dans la quasi-totalité (96 %) des écoles. A contrario, le dioxyde d’azote, également marqueur de pollution atmosphérique extérieure en l’absence de sources de combustion dans les bâtiments scolaires, n’est pas détecté dans un quart des écoles et a une concentration médiane faible inférieure à 5 µg/m3. La valeur guide de qualité de l’air intérieur proposée par l’ANSES est dépassée dans 13 % des écoles.
Enfin, le confinement de l’air intérieur a été évalué au moyen de l’indice de confinement (Icone), calculé à partir des concentrations en CO2 mesurées dans les salles de classe durant les périodes d’occupation. Cet indice traduit la qualité du renouvellement d’air de la pièce au regard de son taux d’occupation. Un indice élevé indique une qualité de l’air intérieur potentiellement dégradée. Respectivement 22 % des écoles maternelles et 55 % des écoles élémentaires présentent au moins une salle de classe ayant un confinement de l’air très élevé ou extrême.
Les bureaux, des espaces globalement peu pollués
Dans les espaces de bureaux, des sources et activités spécifiques (présence d’imprimantes et de photocopieurs, entretien régulier des locaux avec des produits pouvant émettre des COV, etc.) pourraient être à l’origine d’une spécificité de la pollution intérieure. Dans ce contexte, une campagne nationale de mesure a été menée par l’OQAI dans 129 immeubles de bureaux de 2013 à 2017. Les paramètres mesurés étaient les COV et aldéhydes, les particules de diamètre compris entre 10 nm et 1 µm, la température, l’humidité relative et le CO2.
Les premiers résultats disponibles pour 645 espaces de bureaux montrent des concentrations intérieures globalement faibles pour les substances recherchées. La concentration médiane en formaldéhyde est égale à 14 µg/m3 et les COV présentant les médianes les plus élevées sont le 2-éthylhexanol (4,3 µg/m3) et le toluène (4,2 µg/m3).
De fortes concentrations en limonène (> 100 µg/m3) sont mesurées dans 5 % des bureaux. De même, des concentrations en benzène supérieures à 10 µg/m3 sont ponctuellement observées et sont, dans quasiment toutes les situations, liées à une concentration également élevée dans l’air extérieur, en zones urbaines denses. Certains bureaux (8 %) sont multipollués, avec une présence de tous les composés recherchés en concentrations plus élevées que dans l’ensemble de l’échantillon. Enfin, la concentration médiane en particules est égale à 6 900 particules/cm3.
Une qualité de l’air intérieur dégradée dans les espaces de bureaux est associée à une diminution de la performance des travailleurs. Entre 2011 et 2013, une première étude française analysant cette relation a été menée dans le cadre du projet européen Officair. Ayant pour objectif l’étude de la qualité de l’air et du confort dans les immeubles de bureaux neufs ou récemment rénovés en Europe, elle,révèle que, si les caractéristiques individuelles restent les principaux déterminants de la performance au travail, les concentrations intérieures en xylènes et ozone, mesurées en période estivale, peuvent exercer une influence.
Étendre l’observation et s’adapter aux évolutions technologiques
Les connaissances sur les polluants présents dans l’air intérieur ont largement progressé ces dernières années et des progrès ont été réalisés pour réduire les expositions à certaines substances chimiques. La qualité de l’air intérieur est désormais prise en compte dans l’acte de construire et dans l’exploitation des bâtiments. Des recherches sont cependant encore nécessaires afin d’investiguer d’autres lieux (crèches, hôpitaux, Ehpad, commerces, etc.) et polluants.
Parallèlement, le bâtiment est en constante évolution et de nouvelles interrogations se font jour, en lien par exemple avec l’utilisation croissante des nanomatériaux, avec la réémergence des problématiques d’amiante à l’occasion des programmes de rénovation énergétique des bâtiments ou encore via l’impact du changement climatique sur les émissions des matériaux.
Cet article est un extrait du focus Environnement et santé.
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