Interview

Érosion de la biodiversité : 4 questions à Gabrielle Bouleau (Efese)

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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Avec 10 % de la biodiversité connue, la France a une responsabilité particulière pour enrayer la dynamique actuelle d’effondrement de la biodiversité mondiale. Le rapport de première phase de l’Efese - Evaluation française des écosystèmes et services écosystémiques - fait le point sur les 8 années de travaux de cette plateforme science-politique-société, et propose de passer « du constat à l’action » pour assurer la transition écologique de notre société. Gabrielle Bouleau, présidente du Conseil scientifique et technique de l’Efese, répond à nos questions.

Illustration 2760 - Gabrielle Bouleau, présidente du Conseil scientifique et technique de l'Efese
Illustration 2760 - Gabrielle Bouleau, présidente du Conseil scientifique et technique de l’Efese

1/ Le rapport d’étape dresse le constat d’une dégradation continue des écosystèmes à l’échelle mondiale. Quels indicateurs relatifs à la contribution de la France à cette dégradation à l’échelle mondiale doivent nous alerter tout particulièrement ?

L’agrégation des connaissances sur la dégradation des écosystèmes sous forme d’indicateurs nationaux nous alerte sur deux grandes responsabilités. La première est notre usage des sols. La France utilise beaucoup de produits phytosanitaires et bétonne ou bitume beaucoup de terres. Ces deux phénomènes mettent en péril des processus biologiques dont nous dépendons. Notre deuxième responsabilité vient du fait que des écosystèmes exceptionnels et de nature très différente sont situés sur notre territoire et sont particulièrement sensibles au changement climatique. Il en est ainsi des écosystèmes agricoles et forestiers tempérés qui sont vulnérables au stress hydrique. Mais c’est particulièrement critique pour la forêt amazonienne, les hautes montagnes réunionnaises et les écosystèmes coralliens, qui sont menacés par la conjonction de plusieurs phénomènes.

2/ Quels peuvent être les impacts de cette dégradation des écosystèmes pour les Français dans leur vie quotidienne ?

Cette dégradation est souvent minimisée au regard de l’augmentation de notre niveau de consommation qui a longtemps été assimilé à notre bien-être. Mais l’accès à des paysages forestiers, prairiaux, alluviaux et leur faune et flore constituent des éléments importants du cadre de vie. Les interactions avec le vivant sont des expériences uniques, mal chiffrables mais déterminantes dans la construction des individus, des patrimoines communs et des identités collectives. En outre, les écosystèmes dégradés perdent leurs capacités naturelles de régulation, ce qui nous expose à des risques accrus d’érosion, de crue ou de sécheresse et de dysfonctionnement soudain de processus biologiques. Il y a beaucoup d’incertitude sur les impacts de ces déficits de régulation, mais si nous attendons de les percevoir avec plus d’ampleur, ils seront peut-être devenus irréversibles.

3/ Concrètement, comment pouvons - nous agir pour enrayer ce processus ?
Les modes de production et de consommation sont déterminants, mais leurs changements ne dépendent pas que de décisions individuelles. Il y a beaucoup de changements individuels qui sont beaucoup plus aisés et efficaces s’ils sont accompagnés de changements de politiques publiques : ne pas subventionner des pratiques nocives, adapter les infrastructures publiques aux changements nécessaires, rendre visible ce que l’on perd sans s’en rendre compte (grâce aux statistiques et à une information publique de qualité). C’est pour cela que des démarches d’évaluation ex ante et ex post sont importantes. Il nous faut aussi diffuser les savoirs sur les écosystèmes et les multiples valeurs que nous leur attribuons auprès des décideurs.

4/ L’Efese vient de publier une nouvelle étude qui montre l’intérêt à la fois écologique et socio-économique de la réintroduction d’espèces sauvages. Concrètement, que peut-on dire aux acteurs locaux pour les inciter à s’engager dans une telle démarche ?

Cette étude montre que les bénéficiaires potentiels d’une réintroduction sont multiples, pourvu que ses modalités soient co-construites. Cet exemple donne des idées sur la manière dont les lieux, la temporalité et les dispositifs peuvent être négociés pour satisfaire des usages sans nuire à la durabilité. Comme toute innovation, le succès d’une réintroduction dépend du réseau d’acteurs qui s’impliquent. Si l’agriculture et le tourisme sont fréquemment identifiés comme secteurs concernés, il ne faut pas non plus sous-estimer la contribution de ces opérations à la qualité de vie des habitants.

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