Les échouages des mammifères marins en France depuis 1990
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En France, toutes les espèces de mammifères marins sont protégées. Ce statut ne les épargne pas pour autant de subir des pressions directes ou indirectes et de mourir prématurément. Pour la période de 1990 à 2019, près de 27 000 individus échoués ont été recensés en France métropolitaine et 1 280 dans les territoires ultramarins. Le dauphin commun est l’espèce la plus représentée dans ces échouages, devant le marsouin commun et le dauphin bleu et blanc.
Panorama général
Près de 27 000 mammifères marins échoués ont été recensés depuis 1990 en France métropolitaine. L’augmentation du nombre d’échouages sur le littoral métropolitain est significative depuis cette date. Avec près de 2 600 échouages, le résultat de l’année 2019 est le plus important jamais enregistré sur la période 1990-2019.
Le dauphin commun (Delphinus delphis) est de loin l’espèce la plus représentée dans ces échouages, devant le marsouin commun (Phocoena phocoena) et le dauphin bleu et blanc (Stenella coeruleoalba).
L’arc Atlantique regroupe les trois quarts des échouages enregistrés depuis 1990. Ceux-ci sont principalement concentrés sur les départements des Landes, du Finistère, de la Gironde, de la Vendée et de la Charente-Maritime. En Manche Est – Mer du Nord, les départements de la Manche, du Pas-de-Calais et du Nord sont les plus concernés. Le Var est le département de Méditerranée le plus concerné par les échouages, tout en restant bien en deçà des départements de l’Atlantique.
Dans les territoires ultramarins, 1 280 échouages ont été recensés depuis 1990 avec de fortes variations interannuelles principalement dues à des évènements d’échouages en masse. 2006 et 2010 sont les années record de la série avec respectivement 168 et 166 individus échoués.
Analyse des échouages sur le littoral métropolitain
Évolution générale
De 1990 à 2019, près de 27 000 individus échoués ont été recensés en métropole. Le nombre d’échouages est très variable d’une année à l’autre. On observe cependant une augmentation significative de leur nombre (Test statistique de tendance Mann-Kendall). La moyenne annuelle du nombre d’échouages est ainsi passée de 514 individus dans les années 90 à 789 dans les années 2000 puis à 1 429 sur la période 2010 à 2019. 2019 est l’année record de la série historique avec 2 590 individus échoués.
D’une manière générale, les échouages sont plus nombreux de février à avril, période hivernale à forte mortalité. L’essentiel des échouages concerne des animaux morts en mer. Les causes de la mort peuvent être liées à des pressions d’origine humaine directes comme les captures accidentelles réalisées par les activités de pêche, les collisions avec des navires, les dérangements ; ou à des pressions indirectes telles que, la pollution chimique ou sonore et la surpêche de leurs ressources alimentaires.
Le nombre d’individus tués par les captures accidentelles est variable mais peut parfois atteindre des proportions importantes. Ainsi, par exemple, en 2018 l’Observatoire PELAGIS a estimé à 60 % le taux de captures accidentelles apparents de dauphins communs le long de la façade atlantique (Dars et al., 2018).
Les animaux morts sont rejetés sur le littoral par le biais des courants et des vents marins. Seul un faible pourcentage d’entre eux parvient à terre. D’après les études de dérive des carcasses, seulement 20 à 25 % des animaux flottent et dérivent, les autres semblent couler et ne pourront pas être retrouvés échoués (Peltier et al., 2019).
Des individus vivants sont aussi retrouvés échoués sur le littoral. Dans le cas des échouages en masse (épisodes assez rares sur le littoral métropolitain), les raisons peuvent être multiples. Un individu leader peut entraîner son groupe sur la plage. Il arrive également que des individus se fassent piéger par la marée descendante. De nombreux dauphins et baleines se servent des ondes sonores pour naviguer en mer. Les perturbations acoustiques sous-marines pourraient désorienter les animaux et les faire s’échouer.
Les espèces concernées
Le dauphin commun est de loin l’espèce la plus représentée sur la période 1990-2019 avec 38 % de la totalité des échouages. Le suivent le marsouin commun et le dauphin bleu et blanc avec respectivement 15 et 9 % des échouages.
Les échouages des dauphins communs montrent des variations annuelles importantes avec une tendance significative à l’augmentation sur l’ensemble de la série temporelle (Test statistique de tendance Mann-Kendall). Ainsi, la moyenne annuelle d’échouages est passée de 173 individus dans les années 90 puis à 318 dans les années 2000. Sur la période 2010 - 2019 la moyenne annuelle est de 544 avec près de 1 144 échouages en 2019, année record de la série d’échouages des dauphins communs.
Si l’échouage des dauphins communs est régulier sur l’arc Atlantique, il est, par contre, occasionnel en Méditerranée (seulement 0,2 % des échouages de l’espèce depuis 1990). En Atlantique certaines années ont vu de forts effectifs d’échouages, dus à des captures accidentelles (notamment en 1997, 1999, 2000, 2001, 2016, 2017, 2018 et 2019) en lien avec de nombreuses pratiques de pêche, dont le chalutage pélagique en bœuf et les filets maillants et trémails.
Depuis 2016, le taux de mortalité de dauphins commun par capture accidentelle dans des engins de pêche professionnelle dépasse le seuil de 0,78 % au-delà duquel la survie à 100 ans de la population de l’Atlantique Nord-Est est menacée (seuil défini en 2020 par le Conseil International pour l’Exploration de la Mer). En 2019, ce taux de mortalité a atteint 2 % (l’indicateur « Captures accidentelles de dauphins communs dans les engins de pêche » de l’Observatoire National de la Biodiversité - ONB).
D’autre part, l’évaluation de 2018 du bon état écologique (BEE) au titre du descripteur 1 « Mammifères Marins » de la Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin (DCSMM) a montré que pour l’indicateur captures accidentelles, les taux de captures accidentelles chez le dauphin commun dépassent les valeurs seuils de BEE fixés au niveau national (supérieur à 1,7 % sur une année ou plus du cycle d’évaluation ; inférieur à 1 % pour l’ensemble des années de la période d’évaluation) dans toutes les sous-régions marines de l’Atlantique.
Afin de faire reculer de manière significative les échouages de dauphins, la France a rendu obligatoire, depuis le 1er janvier 2019, la déclaration des captures accidentelles de mammifères marins à tous les professionnels français de la pêche. En outre, dès le 1er janvier 2020, par arrêté ministériel, tous les chalutiers pélagiques français de plus de 12 mètres opérant dans le golfe de Gascogne durant la période hivernale sont soumis à obligation d’être équipés de systèmes répulsifs acoustiques « pingers ».
Sur la période étudiée, les échouages de marsouins communs, de phoques gris (Halichoerus grypus) et de phoques veau-marin (Phoca vitulina) révèlent une tendance à l’augmentation. Pour le marsouin commun (deuxième espèce concernée par les échouages) cette hausse peut être, en partie, expliquée par l’augmentation des captures accidentelles notamment entre les années 2000 et 2010 ainsi que, par le déplacement de la population qui est redescendue des îles britanniques et de la Mer du Nord vers le golfe de Gascogne.
Pour les phoques gris et les phoques veau-marins, l’augmentation des échouages peut probablement être liée à l’augmentation des populations. Ainsi, selon l’indicateur « Evolution des populations de phoques veau-marin en France métropolitaine » de l’Observatoire National de la Biodiversité (ONB), l’abondance de phoques veau-marin a augmenté de 8 % pour la période 2014 - 2019. Les échouages de globicéphales noirs (Globicephala melas) et de dauphins de Risso (Grampus griseus) varient suivant les années sans qu’une tendance claire se dessine.
Sur l’ensemble de la série, un grand nombre d’individus n’ont pas pu être identifiés au niveau de l’espèce soit par l’absence de critères distinctifs : dégradation ou absence du crâne, état de décomposition trop avancé, soit en raison de l’évacuation du cadavre avant examen. Ainsi, l’espèce n’a pas pu être confirmée pour près de 3 500 petits delphinidés (le plus souvent de dauphins communs ou de dauphins bleus et blancs), 1 200 odontocètes (petits delphinidés ou marsouin commun) et 560 phoques.
Lors de la troisième évaluation de l’état de conservation des mammifères marins, réalisée dans le cadre de la directive « Habitats-Faune-Flore » pour la période 2013-2018, l’état de conservation n’a pas pu être déterminé pour l’essentiel des espèces évaluées, soit 20 espèces sur 25 en Atlantique et 13 sur 13 en Méditerranée. Pour la plupart de ces espèces, les connaissances en 2018 sont bien plus élevées que pour les précédentes évaluations (2001-2006 et 2007-2012). Néanmoins, l’état de conservation inconnu lors des évaluations 2006 et 2012 empêche l’établissement de tendances et tend vers des états de conservation inconnus. Seul le phoque veau-marin et le phoque gris bénéficient d’un état de conservation « favorable » en Atlantique. Le statut du dauphin commun, du grand dauphin commun (Tursiops truncatus) et du marsouin commun est considéré comme « défavorable inadéquat » en Atlantique.
Concernant la liste rouge mondiale des espèces menacées de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN – liste actualisée en 2020), le cachalot (Physeter macrocephalus) et le rorqual commun (Balaenoptera physalus) sont considérés comme vulnérables au niveau mondial. Le phoque gris, le phoque veau marin, le marsouin commun, le rorqual commun, le dauphin de Risso et le dauphin à bec blanc (Lagenorhynchus albirostris) sont considérés comme « quasi-menacés » en France et en « préoccupation mineure » au niveau mondial. Le dauphin commun, le petit rorqual (Balaenoptera acutorostrata), le globicéphale noir, le dauphin bleu et blanc et le grand dauphin sont actuellement classés comme « à préoccupation mineure » en France et au niveau mondial.
Analyse par façade
Le nombre d’échouages est très variable suivant les façades maritimes. Entre 1990 et 2019, la façade Sud Atlantique a regroupé 37 % des échouages, suivie par les façades Nord Atlantique - Manche Ouest (36 %), Manche Est - Mer du Nord (18 %) et Méditerranée (8 %).
Le nombre d’échouages recensés a sensiblement augmenté sur la plupart des façades maritimes. En tenant compte des moyennes 1990-1995 et 2014-2019, les échouages ont été multipliés par 19 en Manche Est - Mer du Nord, par 4 en Nord Atlantique - Manche Ouest et par 2 en Sud Atlantique.
Analyse par département en métropole
Le nombre de mammifères marins échoués varie très fortement d’un département à l’autre. La distribution des espèces dominantes, des flottilles de pêche et l’interaction entre les deux explique en grande partie cette distribution essentiellement marquée par les échouages du dauphin commun en Atlantique, du marsouin commun en Manche Est - Mer du Nord et du dauphin bleu et blanc en Méditerranée.
Six départements littoraux ont, en moyenne, eu plus de 80 échouages par an sur la période étudiée. Ils sont tous situés sur l’arc Atlantique. Il s’agit des Landes (148 échouages/an), du Finistère (122 échouages/an), de la Vendée (103 échouages/an), de la Gironde (92 échouages/an) et de la Charente-Maritime (82 échouages/an).
En Manche Est – Mer du Nord, les départements de la Manche, du Nord et du Pas-de-Calais sont les plus concernés. Le Var est, quant à lui, le plus impacté en Méditerranée, tout en restant bien en deçà des départements de l’Atlantique.
En rapportant les échouages annuels au linéaire côtier de chaque département, le nombre d’échouages par kilomètre linéaire est très élevé dans les Landes. Le suivent les départements du Nord, du Pas-de-Calais, de la Vendée, de la Somme, des Pyrénées-Atlantiques et de la Gironde.
Échouages sur les territoires d’Outre-mer
En Outre-mer, le réseau d’observation des échouages de mammifères marins a été mis en place au début des années 1990 et se renforce progressivement. Avec 1 280 individus recensés de 1990 à 2019, le nombre d’échouages reste faible par rapport à la longueur du littoral concerné.
De fortes variations interannuelles sont observées depuis 1990. Elles sont principalement dues à des évènements d’échouages en masse. Ainsi, les années 2006 et 2010, marquées par des échouages en masse, restent les périodes où le plus grand nombre d’échouages a été recensé avec, respectivement, 168 et 166 individus échoués.
Les territoires ayant connu le plus grand nombre d’échouages depuis 1990 sont les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF), avec 27 % des échouages ultramarins. Le suivent la Nouvelle-Calédonie (22 %), Saint-Pierre-et-Miquelon (14 %) et la Guyane (9 %). Pour les TAAF et la Nouvelle Calédonie, le nombre important des individus échoués s’explique par les épisodes d’échouages en masses ayant eu lieu sur ces territoires (en Nouvelle Calédonie 101 individus échoués en masse depuis 1990, dans les TAAF 259 individus). Pour Saint-Pierre et Miquelon et la Guyane, le nombre important d’effectifs peut être attribué à la mise en place des réseaux locaux et un meilleur système des signalements par des actions de formation et de sensibilisation.
Les Îles Éparses, Wallis-et-Futuna et Saint Barthelemy ont eu moins de 6 échouages sur l’ensemble de la période étudiée. Cela s’explique par la mise en place récente du réseau, la difficulté d’accès aux côtes ainsi qu’à la présence de prédateurs (comme le requin) qui font disparaître les animaux morts.
Les globicéphales noir et tropicale (Globicephala melas et Globicephala macrorhynchus) sont les espèces le plus recensées et le plus touchés par les échouages en masse sur le littoral ultramarin. Ces deux espèces regroupent 32 % des échouages signalés sur la période 1990 – 2019. Les plus grands épisodes d’échouage en masse de globicéphales ont été signalés à Kerguelen dans les TAAF dans les années 2006 (120 globicéphales noir échoués) et 2010 (139 globicéphales noir échoués).
Parmi les autres espèces les plus recensées se trouvent : le grand cachalot (Physeter macrocephalus), le dauphin de Guyane (Sotalia fluviatilis), le dugong (Dugong dugon) et le dauphin à long bec (Stenella longirostris) avec plus de 50 individus échoués pour chacune d’entre elles. Le suivent le Phoque du Groenland (Pagophilus groenlandicus), la baleine à bosse (Megaptera novaeangliae), le péponocéphale (Peponocephala electra) et le Pseudorque (Pseudorca crassidens) avec plus de 25 individus échoués.
En savoir plus
Les échouages des mammifères marins sur les côtes françaises sont suivis par le Réseau National d’Échouages (RNE), constitué par plus de 565 correspondants coordonnés par l’Observatoire PELAGIS, Unité Mixte de Service 3462, de l’Université de la Rochelle et du CNRS. Ce réseau intervient sur le littoral métropolitain depuis le début des années 1970. Cependant, le réseau d’observateurs est considéré relativement dense et stable depuis les années 80 et les chiffres fiables depuis le début des années 1990. Il est donc considéré que les fluctuations ou tendances observées depuis 1990 sont le reflet de paramètres biologiques ou physiques tels que l’abondance, la mortalité ou les conditions de dérive.
Pour les territoires ultramarins (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie Française, La Réunion, Saint-Pierre et Miquelon, Saint Martin, Saint Barthelemy, Terres Australes et Antarctique Français, les Eparses, Wallis et Futuna), le réseau intervient depuis les années 1990. La série temporelle se stabilise à partir du début des années 2000 mais de gros effort restent à réaliser pour renforcer les réseaux locaux.
En France, toutes les espèces de mammifères marins sont protégées. Les observations d’échouages des mammifères marins permettent d’obtenir :
- une meilleure image des populations de vivant le long des côtes françaises ;
- une meilleure connaissance de leur écologie ;
- une meilleure évaluation des menaces qui pèsent sur elles, alors que les usages en mer sont de plus en plus nombreux.
Le suivi des populations en mer est en effet complexe à réaliser et la prise d’échantillons encore plus compliquée. L’analyse des échouages est donc un bon moyen pour compléter les données d’observation. À chaque échouage, les paramètres analysés sont nombreux, comme l’espèce, l’âge, le statut reproducteur, la génétique, l’étude du régime alimentaire, la concentration dans les tissus en métaux lourds ou en polluants organiques persistants, la recherche de pathologies, la cause de la mort…
Trois grandes familles composent les mammifères marins : les Cétacés (dauphins, marsouin et baleines), les Pinnipèdes (phoques) et les Siréniens en outremer (lamantins et dugongs).
Source : Réseau National d’Échouages (RNE)- Observatoire PELAGIS – UMS 3462
Auteur : Service des données et études statistiques (SDES) et Observatoire PELAGIS
Date de rédaction : décembre 2020, mise à jour
Ressources
Observatoire PELAGIS
Programmes d’observation et d’expertise sur la conservation des populations de mammifères et oiseaux marins ainsi que la gestion des bases de données associées.
Protection des cétacés et limitations des captures accidentelles de dauphins
Rubrique consacrée à la protection des cétacés et limitations des captures accidentelles de dauphins
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